Est-ce que tu peux te présenter brièvement?
Je m’appelle Radmila Faizova, je viens d’Estonie. J’ai étudié la chimie en Angleterre à l’Université de Nottingham. Actuellement, je suis en troisième année de thèse à l’EPFL. Je m’intéresse à la formation des complexes d’uranium, dont la compréhension pourrait être appliquée à la dépollution de l’eau.
De quand date ton intérêt pour la chimie?
Depuis mes premiers cours de chimie à l’école, à l’âge de 12 ans environ. J’avais une enseignante géniale qui m’a encouragée et soutenue pour participer aux Olympiades de chimie. Avec un camarade de classe, on achetait des produits chimiques et on allait tester des réactions et faire des explosions dans la forêt. C’était fun. Un peu dangereux quand j’y repense, mais bon à cet âge on pensait surtout à s’amuser. Et on aimait aussi se faire un peu peur.
C’est cela qui t’a donné envie d’étudier cette matière à l’université?
Oui, et aussi une chaîne Youtube nommée « periodic videos » gérée par l’Université de Nottingham. Ces vidéos étaient très inspirantes et c’est aussi cela qui m’a motivé à aller étudier dans cette université en Angleterre.
Est-ce que tu as aussi fait des stages en entreprise pendant tes études?
Oui, et c’est comme cela que je suis venue en Suisse. En troisième année de bachelor, j’étais interne chez Actelion. Et après mon master, toujours en Angleterre, je suis venue chez Novartis à Bâle pour 6 mois. Ensuite j’ai eu cette opportunité de faire un doctorat à l’EPFL, et je suis restée ici.
Et maintenant, tu t’intéresses à l’uranium. Pourquoi?
Dans la nature, l’uranium peut avoir des degrés d’oxydation différents. Dans l’environnement, il se trouve sous la forme d’uranium +6, qui est soluble dans l’eau et rend cette dernière impropre à la consommation. Certains types de bactéries sont capables de le réduire en uranium +4, une forme insoluble qui de ce fait ne contamine plus l’eau. Pour cela, l’uranium doit accepter deux électrons. On ne sait pas si les bactéries le font par étape, en réduisant l’uranium +6 en uranium +5, puis en uranium +4, ou directement sans passer par l’uranium +5. Pour le comprendre, on a besoin de synthétiser de l’uranium +5 et de tester si les bactéries peuvent l’utiliser. Le problème c’est qu’il est très instable.
Pourquoi est-il si instable?
L’uranium forme des complexes en se liant avec d’autres molécules organiques, que l’on appelle des ligands. En changeant de ligands, on modifie les propriétés de l’uranium. Le problème c’est que l’eau a une très forte affinité pour l’uranium et qu’elle va écarter et remplacer les autres molécules entourant l’uranium. En faisant cela, l’eau réduit l’uranium +5 en uranium +4 ou l’oxyde en uranium +6, et il n’y a plus d’uranium +5. Il faut donc trouver une molécule qui forme une sorte de barrière autour de l’uranium pour que l’eau n’y ait pas accès. Nous avons fini par trouver des ligands contenant beaucoup d’atomes d’oxygène et d’azote qui se lient fortement à l’uranium +5 et le stabilisent.