Face à des ennemis plus puissants, le mieux est d’appeler au secours. C’est ce que fait le maïs lorsqu’il est attaqué par certains insectes. Ses racines libèrent dans le sol une substance odorante qui attire les nématodes, ennemis naturels de son ennemie, la chrysomèle des racines du maïs. Les nématodes sont de minuscules vers blanchâtres d’à peine un millimètre qui pénètrent par des orifices naturels à l’intérieur des larves de la chrysomèle. Là, ils libèrent des bactéries qui se multiplient rapidement et tuent le ravageur.
Des chercheurs neuchâtelois élèvent une «speed-team» de nématodes
Le nématode de l’espèce Heterorhabditis bacteriophora est particulièrement efficace mais réagit assez peu à la substance chimique produite par les racines de maïs, l’(E)-bêta-caryophyllène. C’est pour remédier à ce défaut qu’une équipe de chercheurs neuchâtelois emmenée par Ted Turlings a lancé un programme de sélection des individus les plus sensibles aux signaux. En laboratoire, elle a mesuré le temps nécessaire aux nématodes pour atteindre une source de caryophyllène synthétique dans un labyrinthe. Les 500 plus rapides ont été retenus pour la reproduction. Après six séries de sélection, la «speed-team» était constituée: elle accomplit le parcours en seulement cinq minutes, contre douze pour ses concurrents. Elle a aussi confirmé sa puissance de frappe dans des essais en pleine terre, tuant deux fois plus de larves que la génération d’origine.
Comptant plus de 20 000 espèces, les nématodes représentent le plus grand groupe d’animaux pluricellulaires et sont essentiels à la vie dans le sol. Leur régime alimentaire varie suivant l’espèce. Certains se nourrissent de particules de plantes et d’algues, d’autres de bactéries ou de champignons dont ils restituent l’azote sous une forme assimilable par les plantes. Les nématodes sont utilisés en horticulture et en agriculture pour combattre notamment le vers gris, la limace ou la courtilière. Dans la lutte contre les ravageurs des racines du maïs, ils sont une alternative sûre et efficace aux pesticides, plus difficiles à appliquer de manière ciblée dans le sol.
Un travail d’équipe entre nématodes, bactéries et champignons
Dans le cadre du Programme national de recherche «Ressource sol» (PNR 68), l’équipe de Ted Turlings étudie en ce moment les possibilités de mieux exploiter le potentiel des nématodes destructeurs d’insectes. Les chercheurs répertorient la composition actuelle des espèces, leur densité et leurs performances dans différents sols en Suisse. Ils s’intéressent aussi à l’utilisation combinée de nématodes avec d’autres micro-organismes utiles, à savoir des bactéries et des champignons symbiotiques. «Notre objectif est d’évaluer les possibilités d’améliorer la qualité du sol et les rendements des plantes cultivées à l’aide des nématodes», explique le Prof. Turlings. Selon les premiers résultats, les nématodes prédateurs d’insectes sont rares dans les terres assolées de Suisse, et l’équipe cherche des stratégies pour en augmenter le nombre.