Les archées sont la grande inconnue parmi les microorganismes. Récemment encore, on pensait qu’il s’agissait de bactéries primitives cantonnées à des niches écologiques hostiles, comme les sources chaudes volcaniques, les eaux hypersalées, ou encore l’estomac de ruminants, où elles transforment les acides gras en méthane. Elles étaient ainsi considérées comme un groupe intéressant, mais sans importance pour notre environnement. Cependant, ces dernières années, elles ont aussi été découvertes dans les eaux de nos régions et même dans les sols cultivés, ce qui montre qu’elles n’apprécient pas seulement les conditions extrêmes. En outre, on a constaté que d’un point de vue génétique, les archées n’avaient pas plus de points communs avec les bactéries, que l’homme avec une plante verte. Depuis 1990, elles constituent même un domaine à part entière à côté des bactéries et des eucaryotes (organismes possédant un noyau).
Des chercheurs explorent le patrimoine génétique des archées
Les archées ne facilitent pas la tâche des chercheurs, car il est très difficile de les élever et multiplier en laboratoire. Pour en apprendre davantage sur elles, les scientifiques recourent à des méthodes de la biologie moléculaire pour rechercher dans le patrimoine génétique les gènes spécifiques dont ils connaissent les fonctions. C’est ainsi qu’ils ont découvert qu’elles avaient cette faculté que l’on croyait réservée à certaines bactéries, de transformer l’ammonium, composé azoté produit par la biomasse morte, en nitrate dans les sols agricoles. Ils ont même été surpris de constater que ces représentants de la famille des archées étaient 5 à 200 fois plus fréquents que les bactéries nitrificatrices connues. Les archées présentent donc aussi un intérêt pour l’agriculture, car le nitrate est un élément nutritif de grande valeur, facilement assimilé et valorisé par les plantes. Les essais entrepris jusqu’ici visaient toujours à stimuler les bactéries afin qu’elles puissent transformer davantage d’ammonium en nitrate. Mais les archées représentent un groupe encore plus prometteur pour la recherche. Si on trouve le moyen d’accroitre leurs performances, cela permettrait aux agriculteurs de diminuer les apports de nitrate sous forme d’engrais.
Sources de gaz à effet de serre
La transformation de l’ammonium en nitrate entraîne la production d’un puissant gaz à effet de serre, le protoxyde d’azote, ou gaz hilarant (N₂O). Dans le cadre du Programme national de recherche « Ressource sol » (PNR 68), une équipe de scientifiques menée par Andreas Gattinger, de l’lnstitut de recherche de l’agriculture biologique (FiBL), étudie actuellement le rôle joué par les archées et les bactéries dans la production et la dégradation du protoxyde d’azote. Elle cherche également à déterminer l’influence du mode d’exploitation (bio/conventionnel, avec/sans labour, avec/sans apports de charbon végétal) sur ces microorganismes. «Pour pouvoir développer des stratégies de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’agriculture, il est essentiel de comprendre les processus d’émission et de dégradation du protoxyde d’azote», explique Andreas Gattinger. «Nous savons peu de choses sur le rôle joué par les microorganismes», poursuit-il. Il relève que d’une manière générale, les connaissances sur les communautés microbiennes vivant dans le sol sont extrêmement minces : «Moins de 5 % de la diversité estimée des microorganismes peut être isolée par les méthodes classiques de cultures microbiennes».