Et pendant ta thèse de doctorat?
J’ai combiné des recherches expérimentales et théoriques. Le premier article de ma thèse était d’ailleurs purement théorique, car j’attendais la nouvelle machine que mon directeur de thèse faisait construire dans son laboratoire. Heureusement, j’ai pu faire des mesures expérimentales à l’Institut Paul Scherrer entre-temps. J’ai étudié un matériau qui est un alliage de titane et de sélénium. Il forme un cristal qui est cassant car il se présente par couches, comme le graphite. Si on baisse la température de cet alliage, vers - 73 °C, il se reconfigure: la position de certains atomes change. Les électrons suivent cette reconfiguration des atomes, et du coup les propriétés électroniques changent. L’alliage se comporte alors un peu comme certains matériaux supraconducteurs. Étudier cet alliage permet donc de mieux comprendre le phénomène de la supraconductivité qui fait l’objet de nombreuses recherches. L’intérêt de mon matériau, c’est la température relativement élevée de la transition, contrairement aux transitions supraconductrices qui sont très basses.
Peux-tu nous décrire une de tes journées type de doctorant?
Je fais des simulations numériques par ordinateur pour essayer de résoudre les équations qui décrivent la dynamique des électrons dans les matériaux. Ces équations sont trop complexes pour pouvoir être résolues à la main. Ensuite, je compare les résultats des simulations avec les résultats de mes expériences ou publiés par d’autres chercheurs. En général, théorie et expériences sont réalisées par des chercheurs différents, qui collaborent entre eux. C’était peut-être un avantage pour moi de faire les deux, mais avec le recul, je ne recommanderais pas de faire une thèse en physique à la fois théorique et expérimentale, car il faut être à la pointe de la recherche dans les deux domaines.
Est-ce pour cela que ta thèse a duré près de cinq ans?
Je pense que c’est en partie lié à ces deux aspects de la recherche, mais aussi au fait que j’ai dû attendre cette fameuse machine dans le laboratoire. Et puis j’ai aussi fait un break d’un an pour suivre la formation pédagogique (pour devenir enseignant) à l'Université de Fribourg et j’ai lancé à côté de ça ma société de production de films. Je viens de soutenir ma thèse au mois de juin, et j’ai décroché un poste d’enseignant à 60%. Je vais enseigner la physique et les maths au Gymnase francophone de Bienne. Je vais garder aussi un 40% de recherche à l’Université.
Ca t’est venu d’où cette idée de faire des films?
Je m’intéresse à la communication depuis longtemps. Aux remises de bachelor ou de masters, le public peut voir de petits films qui présentent les laboratoires. J’ai bricolé un petit film pour mon directeur de thèse et je suis allé le montrer au Décanat (ndlr: le doyen de la Faculté et son équipe) qui l’a trouvé pas mal. Nous avons formé une petite équipe avec un ami physicien et un photographe, et tourné un film plus abouti. Ce film a convaincu le Décanat qui nous a demandé de tourner des vidéos pour présenter chacun des laboratoires des Sciences. Il a fallu enregistrer une société au registre du commerce pour pouvoir être payé pour notre travail. Avec notre salaire, nous avons acheté du matériel et avec l’expérience, nous avons eu d’autres mandats, même en dehors du domaine scientifique.
Aimerais-tu continuer à réaliser des films à côté de ton futur emploi d’enseignant?
Je vois la réalisation de films plutôt comme un à-côté, et de cette façon j’ai davantage de liberté concernant les sujets ou la manière de les traiter. Mon ex-associé travaille maintenant à 100% dans la vidéo et j’ai fondé une autre entreprise pour pouvoir continuer à faire mes films. Je travaille aussi occasionnellement pour le service de communication de l’université. J’aimerais garder un pied partout parce que j’ai beaucoup de plaisir à explorer différents domaines, mais je ne sais pas encore si ce sera possible. Je vais me concentrer sur le gymnase dès la rentrée et sans doute y intégrer de la vidéo pour mes cours. Je crois que c’est l’avenir et j’espère que la direction y sera favorable.
Mais tu m’as parlé aussi de travailler à l’Université?
Oui, mon directeur de thèse m’a engagé à 40% pour continuer mes recherches et aussi former les nouveaux doctorants (ndlr: étudiant-e-s qui aspirent à obtenir un doctorat). Je vais aussi le soutenir dans son enseignement de la physique aux étudiants de première année. Je me réjouis mais je crois que je vais devoir faire des choix. Et je déteste avoir à choisir!