Terre et environnement

Un hypersensible sous terre

: Le Tomocerus minor est une espèce de collembole présente dans le monde entier.

Le Tomocerus minor est une espèce de collembole présente dans le monde entier; certains individus peuvent atteindre 4,5 millimètres de long. Ses habitats de prédilection sont les litières humides et ombragées où il se délecte des feuilles tombées sur le sol et de restes de plantes. (Image: Steve Hopkin)

Les collemboles sont de minuscules animaux très sensibles aux changements de l’environnement. Ils servent ainsi d’indicateurs de la qualité des sols. Leur absence sur un site signifie en général que la fertilité du sol est diminuée. Ils figurent en effet parmi les plus importants producteurs d’humus et ils maintiennent l’équilibre parmi les organismes du sol.

Les collemboles sont difficiles à distinguer à l’oeil nu. Mais ils laissent des traces visibles: des petites perles noires sur les feuilles mortes, qui sont en réalité des boulettes fécales. Ou des ronds dans l’eau, quand ils se catapultent sur l’eau, comme sur un tremplin, à l’aide de leur appendice abdominal, appelé furcula. Ces insectes sans ailes, d’à peine quelques millimètres, font de même sur la terre ferme pour bondir hors d’atteinte de l’ennemi. Chez les espèces de collemboles vivant dans les couches profondes du sol, la furcula et les yeux sont atrophiées, car ils leur sont inutiles sous terre.

Détritivores et mycophages

Un mètre carré de prairie compte pas moins de 40 000 collemboles dans les 30 premiers centimètres de sol, et jusqu’à 100 000 dans les milieux humides. Ces organismes se nourrissent de feuilles mortes et autres matières d’origine végétale ou animale et jouent donc un rôle important dans la formation de l’humus. Certaines espèces particulièrement friandes de champignons, d’algues et de bactéries assurent en outre l’équilibre parmi les organismes vivant dans le sol, ce qui contribue aussi à en conserver la fertilité.

Une expérience simple permet de le démontrer: sans les collemboles, acariens et autres décomposeurs, un compost de feuilles mortes est immédiatement colonisé par des moisissures et des bactéries et n’a finalement plus de valeur fertilisante, car le processus de formation de l’humus est interrompu par les champignons. Découvrir ces petits insectes bondissants sur le compost est certainement un signe réjouissant pour les jardiniers amateurs!

Sur la piste des codes-barres ADN

La diversité, la systématique et la répartition des collemboles en Suisse sont encore très mal connues. Lacune qu’entend combler le projet «Swiss Barcode of Life» (SwissBOL), cofinancé par l’Office fédéral de l’environnement (OFEV). Le séquençage des codes-barres permet d’identifier un organisme à l’aide de petits fragments d’ADN (barcodes). Mais il faut d’abord constituer une banque de données avec des séquences d’ADN d’espèces connues. Il est alors possible de comparer un fragment d’ADN inconnu avec ceux de la bibliothèque de référence pour trouver l’espèce à laquelle il appartient. Des chercheurs sont en train d’étendre cette base de données à tous les organismes vivant en Suisse, soit entre 45 000 et 60 000 espèces suivant les estimations. Des fragments de référence d’environ 1500 espèces sont déjà répertoriés. Les premiers codes-barres de collemboles devraient être disponibles d’ici à fin 2015.

Indicateurs des sols contaminés

Si les collemboles intéressent tant les scientifiques, c’est notamment parce qu’ils peuvent servir d’indicateurs de la qualité du sol. Comme chaque espèce colonise un milieu spécifique, il est possible de déterminer l’état de fertilité et d’acidité du sol en fonction de la présence de collemboles et de leur nombre. En outre, les collemboles sont extrêmement sensibles aux substances toxiques, qu’ils perçoivent à l’aide de chimiorécepteurs situés sur leurs antennes.

Quand les conditions sont défavorables, ils vont chercher des endroits plus propices où ils pourront mieux se multiplier. Ce comportement d’évitement fournit de précieuses informations sur la pollution des sols. L‘espèce Folsomia candida par exemple est mentionnée dans deux normes ISO sur l’évaluation des sols pollués (ISO 17512 et ISO 11267). Une étude de l’Université de Francfort parue en 2014 montre que les collemboles souffrent aussi des produits phytosanitaires.Ils y sont particulièrement sensibles en cas de sécheresse prolongée et de températures élevées.

Un autre problème auquel ils sont confrontés et qui prend de plus en plus d’ampleur est le compactage des terres agricoles, qui affecte non seulement les conditions de vie des organismes, mais aussi en fin de compte la fertilité des sols.

L’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies a déclaré 2015 Année internationale des sols. Pour illustrer l’importance des organismes du sol pour l’être humain, l’Office fédéral de l’environnement OFEV et le Programme national de recherche «Ressource sol» (PNR 68) présentent chaque mois un nouvel organisme. Tous les portraits parus peuvent être téléchargés sur www.sols2015.ch.

Pour faire la connaissance d'autres habitants importants du sol, va jeter un coup d'œil aux onze autres portraits édités par l'OFEV, que nous avons regroupés dans un dossier.

Créé: 11.01.2015

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