«Beurk!» s’écrie Poïétine dégoûtée, en essuyant quelques gouttes qui ont giclé sur elle.
«Eh ben bravo Insuline! Félicitations! Nous voilà dans un bel état maintenant! Tu parles d’un accueil!» rouspète Globine.
«Oh salut Globine, je ne vous avais pas vues.» répond Insuline faisant preuve d’une totale mauvaise foi. Elle étouffe un petit rire, pas mécontente de sa farce.
«Mouais, bon, ça ira pour cette fois», grogne Globine en s’essuyant.
«Oh! Il faut bien que je m’amuse un peu. C’est pas drôle en ce moment tu sais. On manque d’oxygène par ici. Regarde mon usine, elle tourne de plus en plus mal. Je suis vraiment inquiète. Alors je me distrais comme je peux.»
«Eh bien justement, nous sommes là pour ça. Tiens, prends déjà cette bulle d’oxygène. Je peux pas t’en donner plus car il faut que je répartisse au mieux ma cargaison, rétorque Globine en détachant une bulle d’oxygène de son dos. Et regarde qui je t’amène…» ajoute-t-elle fièrement. Globine montre Poïétine du doigt, certaine qu’Insuline la reconnaîtra. Insuline ne réagit pas. «Poïétine… Insuline… Tu sais qui est Poïétine tout de même, non?» Insuline secoue la tête. «Poïétine a justement été envoyée pour résoudre notre grave problème.» Insuline lève les sourcils mais reste muette. «Poïétine doit se rendre dans la moelle osseuse. Je lui ai tout de suite proposé de l’emmener, tu penses bien, mais je voulais que tu me confirmes la direction», ment effrontément Globine.
«Quel culot, murmure Poïétine. Elle manque pas d’air!»
«Elle s’appelle Insuline! IN-SU-LINE…! répète lentement Insuline, en faisant une révérence. Je suis la molécule qui récupère le sucre qui se trouve dans le sang. Je suis donc ES-SEN-TIELLE !» déclame Insuline fièrement.
Poïétine commence à perdre patience. Ces présentations lui semblent interminables.
Globine essaie de calmer Poïétine: «Poïétine… souffle Globine. Sois patiente! Elle est pompeuse mais elle nous dira où trouver la moelle osseuse…» Globine se tourne vers Insuline et lui livre un de ses plus beaux sourires.
«Et une fois que Lili a avalé le sucre, poursuit Insuline, il va directement de l’estomac dans le sang. Et mon rôle est d’ouvrir des portes qui laisseront passer le sucre dans le foie, les muscles et tous les tissus où se trouve la graisse…»
«On doit vraiment écouter tout ça?» grommelle Poïétine qui bâille d’ennui.
Globine lui fait signe que oui: «Attends un peu… Elle parle toujours autant…» chuchote-t-elle. Insuline s’impatiente. Poïétine soupire.
«Le sucre, continue Insuline, sera par la suite brûlé pour fournir l’énergie dont le corps a besoin… ou… ajoute-t-elle de manière théâtrale, il sera stocké en attendant d’être utilisé plus tard. Déjà entendu parler du diabète?» renifle-t-elle.
«Non. Non, je n’ai jamais entendu parler du diabète. Et je ne suis pas sûre de vouloir en entendre parler non plus», répond Poïétine hâtivement en tirant Globine par le bras. Il faut vraiment y aller maintenant…»
«Bon, poursuit Insuline tout en ignorant Poïétine à nouveau, eh bien… le diabète est une maladie qui se produit lorsqu’il y a trop de sucre dans le sang.
«Pourquoi? Ça t’arrive de perdre les clefs des portes?» ironise Poïétine.
Insuline ignore le commentaire, fait une pause, nettoie un de ses ongles puis clame: «Bon. C’est quelle moelle osseuse que vous cherchez? De la moelle osseuse il y en a dans tous les os, dit-elle d’un ton dédaigneux. Et de toute façon, depuis ici c’est très difficile d’en expliquer le chemin. Je vous accompagnerais bien, mais ce n’est pas du tout sur ma route, ajoute-t-elle froidement. «Vous feriez bien de commencer par remonter vers le cœur; lui, il pourra certainement vous expédier au bon endroit.»
«Ok. Alors allons-y. Nous n’avons plus de temps à perdre. Salut!» conclut sèchement Poïétine tirant à nouveau Globine par le bras, exaspérée.
«Attends Poïétine, c’est pas dans ce sens!» s’écrie Globine. «Cette fois nous devons prendre une veine. Seules les veines ramènent le sang vers le cœur. Si nous prenons une artère nous allons nous épuiser à nager à contre-courant!»
«C’est un vrai labyrinthe, s’exclame Poïétine. Comment fais-tu pour t’y retrouver?»
«Question d’habitude, se vante Globine qui roule à nouveau des mécaniques. Oh et puis zut, cette fois on va prendre le bus, ajoute-t-elle oubliant brusquement ses allures de gros dur. Il n’y en a pas beaucoup en ce moment, mais ça vaut le coup d’attendre un peu.» Et Globine emmène Poïétine vers un arrêt de globules rouges. «Faut pas en vouloir à Insuline, dit Globine. Tu sais, en ce moment tout le monde est un peu sur les nerfs.»
Poïétine bricole avec quelque chose de gluant qu’elle vient de trouver sur sa jambe. Elle le roule en une toute petite boule et l’envoie d’une chiquenaude sur Globine. Globine lui file une tape amicale. Les deux protéines s’assoient en attendant le prochain globule. Au bout de quelques longues minutes, un globule s’arrête près des deux protéines qui grimpent et s’installent dans le creux de son dos.
«Tiens-toi bien Poïétine! Prochain arrêt: le cœur!»